Valorant est le jeu du moment avec plus de 600 000 spectateurs en direct en moyenne sur Twitch.
Il est en beta fermé (accessible uniquement à quelques personnes qui ont eu la chance de recevoir la clé du jeu)
Pourtant il fait déjà débat à cause de son anti-cheat…
Habituellement…
Les jeux vidéo en ligne installent souvent des anti-cheat.
Un anti-cheat est un programme qui tourne en même temps que le jeu vidéo et s’assure qu’aucun programme de triche ne s’exécute en parallèle sur l’ordinateur.
Un programme de triche peut rendre visible les ennemis alors qu’ils sont cachés derrière un mur, ou viser automatiquement les joueurs de manière à ne jamais louper aucun tir.
Un anti-cheat est un peu comme un antivirus mais spécialisé pour un jeu vidéo. Et ça semble essentiel sur les jeux en ligne.
L’anti-cheat se lance en même temps que le jeu et s’arrête quand vous quittez le jeu. Le jeu va vérifier que l’anti-cheat est bien démarré avant de démarrer à son tour. Ainsi on ne peut pas contourner l’anti-cheat.
Si on prend l’exemple de Fortnite (au hasard), vous voyez cette fenêtre s’ouvrir avant le jeu, c’est l’anti-cheat :
Le problème :
Valorant installe un anti-cheat, nommé Vanguard. Mais à la différence des autres, celui-ci est beaucoup plus musclé.
Ces découvertes ont été faites par les joueurs et plus tard confirmées par RiotGames (la maison de développement de Valorant).
Vanguard s’installe d’office avec le jeu, normal. Mais il s’exécute en permanence et pas seulement quand le jeu tourne.
Autre problème, Vanguard s’exécute sous Windows avec les droits administrateurs les plus élevés. Techniquement, il s’exécute dans « Ring0 » (autrement dit le « noyau » de Windows, le « code primaire »), et pour simplifier il est superAdmin au-dessus de l’admin Windows.
En résumé, Vanguard a tous les droits sur votre machine, tout le temps.
Et vous ne pouvez pas vous en passer pour jouer à Valorant.
Les questions soulevées ?
La décision de Valorant d’avoir recours à ce genre d’anti-cheat musclé est compréhensible.
Sans rentrer dans les détails techniques (que je ne maitrise pas moi-même), on peut comprendre qu’un « simple » anti-cheat peut être contourné par un « contre-anti-cheat », si ce programme s’exécute avec des droits administrateurs plus élevés. #cheatception
C’est alors la bataille de qui est le plus fort pour berner l’autre. Et vouloir le plus de droits semble logique.
Pourtant on peut se poser quelques questions…
- Est-ce que je peux faire confiance à cet anti-cheat ?
Le code n’étant pas opensource, on n’a aucun moyen de savoir si Vanguard va enregistrer mon écran en permanence, ou même simplement prendre des ressources et ralentir mon ordinateur sur mes autres jeux.
La réponse (paraphrasée) de RiotGames est bien sûr : « Nous respectons votre vie privée et notre anti-cheat ne consomme aucune ressource si le jeu ne tourne pas. »
Que pourraient-ils répondre d’autre ? Et c’est peut-être vrai. Ou peut-être pas.
La problème est là, on ne peut pas savoir car on n’a pas accès au code pour vérifier.
- Comment est sécurisé l’anti-cheat ?
Quand cet anti-cheat aura une faille de sécurité qui sera exploitée par un hacker, ce dernier aura un accès total et en permanence à ma machine. L’idée est plutôt effrayante, non ?
Bien sûr vous avez surement d’autres programmes sur votre ordinateur qui peuvent être de potentielles failles. Mais est-ce une bonne excuse pour en autoriser un énième ?
D’autant qu’il semblerait que si vous ne lancez pas le jeu, l’anti-cheat ne se mettra pas à jour et ne recevra pas les patchs de sécurité. Problématique…
Et notez que je dis bien « quand » et non pas « si » car il y aura forcément une faille, aucun système n’est parfait pour toujours.
- La communication de RiotGames n’est-elle pas bancale ?
Il n’y a pas de notification qu’un tel programme va être installé.
Désinstaller le jeu ne désinstalle pas l’anti-cheat et ce n’est pas précisé. Mais pas de panique vous pouvez tout de même le désinstaller manuellement à côté.
Certains joueurs suspectent déjà avoir rencontré des tricheurs sur le jeu.
RiotGame certifie la sécurité de son anti-cheat mais offre pourtant des récompenses à celui qui trouvera une faille.
Vanguard aurait subit des audits pour assurer sa sécurité mais aucun rapport public n’est disponible.
- N’y aurait-il pas d’autres moyens de prévenir la triche ?
Comment les autres jeux ont pu se passer d’un anti-cheat aussi musclé et pourtant rencontrer un succès commercial (Fortnite, CS:GO, LeagueOfLegends (développé aussi par RiotGames)) ?
Pour aller plus loin, une question qui est rarement soulevée : Pourquoi les joueurs trichent ?
Une partie est-elle si importante, qu’en cas de triche elle cause beaucoup de perte aux autres joueurs ?
N’y aurait-il pas des mécaniques de jeux qui permettraient de rendre la triche peu attractive ?
Que se passera-t-il (en terme de performance et sécurité) lorsque tous les autres développeurs se mettront à développer leur anti-cheat dans le noyau Windows ?
C’est ici juste des réflexions personnelles auxquelles je n’ai pas les réponses, la discussion est ouverte dans les commentaires 🙂
Fun fact !
Valorant et Vanguard sont développés par l’éditeur RiotGames.
RiotGames est une filiale du groupe chinois Tencent.
Tencent est notamment connu pour son application WeChat : un service à tout faire qui remplace Facebook, WhatsApp et Paypal, utilisé par 80% de la population chinoise et concentrant 30% du traffic internet chinois (rien que ça !). Et Tencent ne se refuse pas l’utilisation de censure ou de propagande sur sa plateforme.
Il y a rarement une bonne raison de sacrifier sa vie privée.